Report modal - Doubler la part du rail Transalpin
Pour répondre à cette volonté politique d'un véritable report modal de la route vers le rail, entre la France et l'Italie, le Comité pour la Transalpine formule 10 propositions concrètes qui visent à favoriser sans tarder cet objectif, offrant ainsi à l'Arc alpin une offre de transport multimodale équilibrée et qualitative, pendant la construction et après la mise en service de la future liaison ferroviaire Lyon-Turin-Budapest, qui sera opérationnelle en 2030.
Une réponse à la congestion grandissante des réseaux
Le quart sud-est de la France étouffe : certains axes routiers des vallées alpines et de Vintimille frôlent la saturation. Si les trafics en provenance du nord de l'Europe ont baissé, les échanges franco-italiens sont en revanche en constante augmentation, avec des trajets aux 3/4 supérieurs à une distance de 600 km : 2,2 millions de poids lourds en 1994, près de 3 millions de poids lourds en 2015. La tendance du trafic routier reste à la hausse sur l'Arc alpin, notamment en raison de la montée en puissance des échanges entre l'Italie et l'Espagne où le trafic a augmenté de plus de 650 000 véhicules en douze ans.
Le rail plus propre et plus sûr
Il ne s'agit pas de contester l'efficacité du transport routier sur les courtes distances. En revanche, sur les distances supérieures à 600 km, lesquelles représentent 68 % des passages enregistrés aux passages frontaliers franco-italiens, le ferroviaire prend tout son sens...
Moins gourmand (il consomme en effet 5,5 fois moins d'énergie que les poids lourds), plus respectueux de l'environnement, plus sécurisant... En dépit de ces points forts, le fret ferroviaire ne parvient pas à décoller en France. Si dans l'Europe des 25, c'est grâce à des pays comme le Royaume-Uni (+80%), l'Autriche (+45%) ou encore l'Allemagne (+37%) ; la France enregistre un recul de 40 % entre 2000 et 2011. Il est grand temps de doter la France d'un service ferroviaire à la hauteur de ses enjeux.
Un consensus partagé autour du report modal
Le Grenelle de l'environnement avait fixé à 25 % l'augmentation de la part du fret ferroviaire. Pour y parvenir, une stabilisation du nombre de poids lourds sur les routes doit se mettre en oeuvre -plafonné dans un premier temps à 3 millions de poids lourds à travers les Alpes par an- avec l'objectif final d'un doublement de la part du rail en quinze ans. Cet objectif est réalisable, pour autant qu'il s'accompagne de décisions politiques et de mesures règlementaires fortes, d'une amélioration qualitative et quantitative de l'offre ferroviaire existante et de la construction de nouvelles infrastructures : la liaison Transalpine Lyon-Turin.
Cette politique de report modal n'a de sens que si elle est mise en oeuvre de manière concertée avec les différents pays de l'Arc alpin. C'est dans ce but que la Convention alpine a été signée en 1991 par six Etats alpins et la communauté européenne, puis en 1993 et 1994 par Monaco et la Slovénie. Pour rappel, les parties contractantes se sont engagées à s'abstenir de construire de nouvelles routes à grand débit pour le trafic transalpin.
En parallèle, le groupe de Zurich, composé des ministres des Transports allemand, autrichien, français, italien, slovène et suisse étudie des solutions pour la maîtrise des trafics routiers transalpins, incluant la mise en place, à terme d'une bourse de transit alpin (BTA). Et plus récemment, lors de la déclaration d'Innsbruck (mars 2015), les pays signataires se sont de nouveau engagés à relever le défi du report modal et du développement des modes de transport les plus respectueux de l'environnemnet sensible des Alpes et de ses populations : en achevant d'ici 2016 à 2025, huit tunnels ferroviaires de base actuellement en projet dans ces régions, appartenant tous au réseau transeuropéen de transport.
Etendre la redevance kilométrique
Pour limiter à trois millions par an le nombre de poids lourds traversant les Alpes, plusieurs mesures sont donc envisageables, dont la généralisation d'une redevance d'usage pour les poids lourds juste et efficace. L'enjeu consiste à promouvoir chaque mode de transport là où il est le plus pertinent.
Alors que la directive Eurovignette prévoit la mise en place de surpéages frontaliers, le Comité pour la Transalpine préconise, dans sa publication, "Report modal transalpin : 10 propositions pour doubler la part du rail en 15 ans", une redevance au kilomètre parcouru pour les camions circulant sur les autoroutes non concédées et les voies express à caractère autoroutier.
Ce genre de mesure a déjà fait ses preuves chez nos voisins suisses et allemands. Les études réalisées démontrent que la surtaxation -type écoredevance- de 25% aux tunnels alpins, si elle est appliquée seule, provoquerait des reports d'itinéraires au lieu d'un report modal et pénaliserait paradoxalement les trajets régionaux.
Des droits régulateurs applicables dans les zones congestionnées uniquement, pourraient également être mis en oeuvre sur le sud est de la France : ils prendraient tout leur sens dans des secteurs chargés comme celui de Vintimille, la vallée du Rhône ou le bas-Languedoc. Au final, le montant de chacune de ces redevances devrait êre affecté exclusivement au secteur des transports via l'AFITF (Agence de Financement des Infrastructures de Transport de France).
La Cop 21 qui a abouti à un accord pour contenir le réchauffement à 2° en limitant les émissions de gaz à effet de serre, la loi de transition énergétique, puis auparavant le Grenelle de l'environnement, sont autant de raisons qui font du Lyon-Turin un investissement indispensable au service du développement durable, en ramenant la question du report modal transalpin au coeur de l'actualité. Ses enjeux : protéger l'environnement, fluidifier et sécuriser les trafics marchandises dans le sud-est de la France et maîtriser les consommations d'énergie.
Pour cela, le Comité pour la Transalpine préconise une stabilisation à long terme du nombre des poids lourds circulant par an dans les Alpes à 3 millions maximum, et une nette diminution à court terme. Comment ?
En doublant la part du rail en 15 ans.
Avec l'impact que l'on devine en termes d'environnement (effet de serre, pollution, bruit...) et de sécurité.
Les infrastructures existantes -la ligne historique du Mont-Cenis datant de 1871 et l'Autoroute Ferroviaire Alpine (AFA)- n'ont pas la capacité d'inverser fortement cette tendance. Seule la Transalpine Lyon-Turin représente une alternative compétitive permettant d'enclencher un report modal durable. La chute de trafic contstatée pendant la crise de 2008/2009 a déjà été comblée en grande partie.
L'Eurovignette au service du report modal
Le Parlement européen a donné son feu vert à la révision de la directive Eurovignette. Le principe d'une Eurovignette intégrant, outre le coût d'usage de l'infrastructure, tout ou partie des coûts externes dans le calcul des redevances acquittées par les transporteurs tant ferroviaires que routiers, est acté.
Pour être équitable, leur montant sera proportionnel à la distance parcourue et au tonnage transporté (comme la RPLP Suisse). La Suisse finance la construction de trois tunnels de base à partir d'une redevance poids lourds, et l'Autriche utilise la majoration Eurovignette en zone de montagne pour financer le tunnel du Brenner.
Le Comité pour la Transalpine propose que les recettes dégagées soient exclusivement affectées au domaine des transports. Le signe d'un changement de mentalité qui vise à taxer les modes de transport en fonction de leur impact sur l'environnement et contribue ainsi à leur rééquilibrage.
Dans leur rapport sur l'examen de nouvelles sources de financement pour les travaux de la section transfrontalière remis au Premier ministre en juillet 2015, le Sénateur Michel Bouvard et le Député Michel Destot, préconisent une majoration de l'Eurovignette en augmentant modérément les péages des poids lourds sur le réseau autoroutier concédé en zone de montagne, en incluant les autoroutes de la Côte d'Azur donnant accès au passage de Vintimille, qui supportent actuellement l'essentiel des flux du corridor méditerranéen, dont fait partie le Lyon-Turin. Cette ressource couvrirait la moitié, au minimum, du financement de l'ouvrage ferroviaire nécessaire au report modal.
Avancer étape par étape
Ces mesures une fois portées par les Etats, les Régions concernées et l'Union européenne, doivent permettre d'instaurer un nouvel équilibre "intelligent" et concerté des flux. Appliquées progressivement, et en concertation avec les acteurs du transport, elles permettraient d'agir dès maintenant, les efforts devant porter sur une meilleure utilisation des moyens et ressources existantes en matière de transport ferroviaire.
C'est en adaptant l'offre de fret ferroviaire à la demande des transporteurs que la tendance des flux pourra être inversée.