Cour des Comptes Européenne, rapport sur les grandes infrastructures de transport (16 juin 2020)
"Davantage d’efforts sont nécessaires pour accélérer l’achèvement" du Lyon-Turin
“EU transport infrastructures : more speed needed in megaproject implementation to deliver network effects on time” : le titre du rapport publié mardi dernier par la Cour des Comptes Européenne ne saurait être plus clair. Si quelques opposants habituels du Lyon-Turin ont bien tenté d’extraire au scalpel quelques passages de cet audit pouvant laisser croire à une remise en cause du projet, la réalité est radicalement différente. Comme les sept autres grands projets d'infrastructures transfrontalières audités par la Cour, le tunnel de base du Lyon-Turin est plus que jamais confirmés comme un maillon essentiel du Réseau Transeuropéen de Transport (RTE-T).
« La mise en place des corridors du réseau central RTE-T dans les délais prévus [2030, ndlr.] est capitale pour atteindre les objectifs stratégiques de l’UE, et contribue à soutenir la croissance et l’emploi et à lutter contre le changement climatique, a ainsi déclaré à la presse Oskar HERICS, responsable du rapport. Davantage d’efforts sont nécessaires pour accélérer l’achèvement de ces infrastructures ».
Des retards qui s’accompagnent logiquement d’une inflation des coûts
Car les calendriers de réalisation de tous ces projets ont hélas sérieusement dérapé : 11 ans en moyenne, 15 ans pour le Lyon-Turin. Des retards sévèrement pointés par la Cour et que ne cesse de déplorer depuis longtemps le Comité pour la Transalpine. D’autant que ces retards s’accompagnent logiquement d’une inflation des coûts de tous les projets, même si pour le Lyon-Turin la Cour se réfère curieusement à un projet préliminaire des années 90 qui n’a plus grand-chose à voir avec le projet acté bien plus tard par les Etats.
Enfin, dernière critique habituelle pour ce type de grands projets : les incertitudes concernant les prévisions de trafic et, par conséquent, le moment à partir duquel les infrastructures produiront des effets socio-économiques positifs. On rappellera juste que la durée de vie d’une infrastructure comme le Lyon-Turin est bien supérieure à un siècle. Dans tous les cas, les retombées écologiques seront toujours largement positives sur la longueur. Surtout que le rapport de la Cour rappelle l’« état inapproprié » de la ligne du XIXè siècle reliant aujourd’hui la France à l’Italie, confirmant ainsi que le Lyon-Turin est bien la seule solution crédible pour un report modal massif dans les Alpes.
Manque de coordination : à qui la faute ?
Pour les auditeurs de la Cour, les problèmes pointés trouveraient principalement leur source dans un manque de coordination de la part de la Commission Européenne. S’agissant du Lyon-Turin, le jugement peut paraitre bien sévère tant la Commission a toujours fait preuve sur ce dossier d’une constance et d’un volontarisme sans faille. Mais il est vrai qu’elle dispose de moyens juridiques limités face aux Etats qui, malgré la nature transfrontalière de ces grands chantiers, ont bien souvent tendance à la jouer perso. C’est à eux que revient la responsabilité de mettre en œuvre des projets dans le réseau de transport. L’UE ne fait que contribuer partiellement aux financements des projets les plus intégrateurs.
Or, la Cour des Comptes Européenne souligne dans son rapport que : « les États ont des priorités nationales différentes, qui peuvent ou non coïncider avec les investissements nécessaires sur les corridors transnationaux de l’UE. Les États membres ont également des procédures différentes pour l’exécution des travaux et des vitesses de mise en œuvre différentes. Le soutien et l’opposition aux grandes infras varient considérablement et les priorités politiques peuvent changer au fil du temps ». Le Lyon-Turin, avec ses atermoiements politico-administratifs oscillants depuis 20 ans comme un balancier entre la France et l’Italie, est hélas une illustration éloquente de ce constat.