Vague de critiques en réaction au rapport du COI
L’annonce il y a deux semaines par la Première ministre d’un plan d’investissements de 100 milliards d’euros d’ici 2040 dans le ferroviaire, véritable « colonne vertébrale de nos mobilités propres », a reçu un accueil globalement positif, malgré le manque de précisions sur ses modalités de financement. En revanche, les recommandations sur le Lyon-Turin formulées par le Conseil d’Orientation des Infrastructures (COI), dans son rapport consultatif remis le même jour à Elisabeth BORNE, ont suscité une vague de critiques quasi-unanimes dans tous les territoires concernés par la liaison franco-italienne.
« Un report des accès français à 2045 n’est pas acceptable »
Vendredi 10 mars, un vœu porté par l’exécutif de la Région Auvergne-Rhône-Alpes présidée par Laurent WAUQUIEZ a été voté largement au-delà des bancs de la majorité. « Un report à 2045 des nouvelles voies d’accès au tunnel transfrontalier n’est pas acceptable (…) L’heure n’est plus à la tergiversation mais à l’action ! » s’indigne le texte.
Quelques jours auparavant, le PS et du PC de Savoie diffusaient un communiqué commun en forme de banderilles contre les conseils du COI de privilégier « l’amélioration de la ligne existante Dijon-Modane » plutôt que la réalisation de voies nouvelles depuis Lyon. Une telle option « générerait le passage de 150 trains de fret supplémentaires le long du lac du Bourget et dans l’agglomération chambérienne qui rendra impossible la vie des riverains. »
Un frein au développement des trains du quotidien
Dans le même esprit, les exécutifs, de sensibilités politiques différentes, à la tête de toutes les intercommunalités savoyardes traversées par la ligne historique Dijon-Ambérieu-Modane (six au total) ont exprimé leur opposition à cette orientation qui "condamnerait notre bassin de vie", notamment en raison de ses nuisances et de ses impacts fortement contraignants pour le développement des "mobilités du quotidien".
Une menace pointée également par le Président du Département de la Savoie, Hervé GAYMARD. Dans un courrier adressé à Elisabeth BORNE, ce dernier souligne que la priorité accordée à la liaison Dijon-Modane « empêcherait durablement d’assurer une efficacité économique du tunnel transfrontalier notamment pour le fret ferroviaire, et pénaliserait lourdement le développement des trains du quotidien sur le bassin chambérien et plus généralement sur l’ensemble du réseau alpin depuis l’Est de Lyon. »
Un risque « d’affaiblissement de la France »
Pour la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (FNAUT), les annonces du gouvernement sur son plan ferroviaire sont jugées positives. Mais les préconisations du COI sur le Lyon-Turin sont qualifiées d’ « insuffisantes et contradictoires (…) Elles nient la nécessité absolue d’accroitre les capacités pour le développement des TER mais aussi de synchroniser les accès français avec les objectifs capacitaires (écart de 80 trains par jour) et calendaires (écart de 13 ans) » de la section italienne.
Le maire de Chambéry et ancien ministre des affaires européennes Thierry REPENTIN (DVG) a quant à lui dénoncé des « conséquences dramatiques" et évoqué le risque d’"affaiblissement de la France" si elle ne respectait pas ses engagements internationaux sur le dossier. Plus au nord, dans le département de l’Ain, le maire d’Ambérieu Daniel FABRE s’est inquiété des potentiels reports massifs de flux au cœur de sa commune : « Les Lyonnais veulent moins de pollution mais je ne vois pas pourquoi les Amberrois n’auraient pas droit à l’air pur ».
Menace sur la DUP
Autre sujet d’inquiétude majeur pour la plupart des élus : le calendrier proposé par le COI ferait mécaniquement tomber la DUP de 2013 dont l’échéance est fixée à 2028. « Plus rien ne s’opposerait alors à la délivrance des permis de construire dans le Nord-Isère (secteur soumis à une forte pression foncière, NDLR), rendant la réalisation des voies d’accès impossible. Je n’ose imaginer les conséquences pour nos territoires » a alerté la députée de Savoie Marina FERRARI (Modem) lors de la séance de questions au gouvernement du 28 février.
Enfin, du côté des professionnels du fret ferroviaire, l’Union internationale pour le transport combiné rail-route (UIRR) a indiqué que "le secteur européen du fret ferroviaire et de l’intermodalité est profondément préoccupé et conseille vivement au gouvernement français de s’abstenir de retarder la construction des lignes d’accès au tunnel transfrontalier dont nous avons tant besoin. »